Sous plusieurs casquettes la chercheuse confinée se démarque
Sylvie Nibuntu
Comme femme chercheuse, on gère son temps entre boulot et foyer. Autant que cette vie peut être stressante, pour l’entourage il est clair qu’en absence de maman, il faut se débrouiller. Cependant, pendant le confinement, j’ai été confrontée avec des demandes multiples et simultanées. En jonglant entre les travaux ménagers et l’enseignement de mes enfants, en gérant des visites improvisées et les responsabilités conjugales, j’essayais de trouver du temps pour mes projets professionnels. Et je me suis posée la question : combien de casquettes est-on capable de porter sans tomber ?
1. Entre travaux ménagers, devoirs de femme et de mère et recherche : du temps plein à domicile
La période de confinement a obligé la chercheuse à assurer simultanément et en toute perfection en plus, les tâches ménagères, les devoirs de femme et de mère et le métier de chercheur. Cette situation a toujours été vécue comme tel mais restant à la maison cette fois-ci, les sollicitations n’ont jamais cessé même si les enfants ont un peu aidé. En plus de cela, il y avait comme une injonction de devoir finaliser certaines tâches qui étaient en attente ; le confinement a donc été considéré comme une opportunité offerte à la famille mais dont le grand du poids devait être supporté par la femme « Tu as tout le temps cette fois-ci », pouvait-on entendre çà et là.
En fait, j’ai vu à quel point les responsabilités familiales dans notre société sont si souvent discriminatoires. La femme est la seule personne pour s’occuper des enfants, pour le mari, cela peut ou ne pas être parmi ses priorités. A ce moment-là, si on n’arrive pas à répondre avec attention à ces choses souvent considérées comme « petites », c’est-à-dire surveiller les enfants, on les retrouve chez les voisins, alors que le slogan du confinement le souligne clairement : « chacun reste chez-soi ».
Voilà pourquoi la femme chercheuse que je suis s’est fixée des heures intercalaires entre ces différentes tâches ménagères pour jeter un coup d’œil sur son travail, les heures de nuit étaient bien indiquées. Je ne me reposais que très tard dans la nuit.
2. Entre encadrement scolaire des enfants et exigences professionnelles
Au cours de cette même période, le Ministère de l’enseignement avec l’UNICEF avait initié un programme d’enseignement audiovisuel afin de garantir l’accès continu des enfants à l’éducation. Ce programme a incombé encore une fois à la femme chercheuse que je suis. Dans le temps ordinaire, l’expertise d’un précepteur pouvait être louée mais en cette période de confinement, chacun devrait rester chez soi et trouver d’autres mesures adaptatives.
Déterminée à donner les meilleurs de soi, toutes ces obligations survenues par la pandémie nécessitaient une bonne organisation fixée en avance dans le but de répondre correctement aux obligations de la famille et celles du métier de chercheur. Ce n’est pas facile de maintenir cette stabilité, de manière simultanée, entre les deux métiers. Mais avais-je le choix ? Car la bonne qualité du métier de chercheur pour une femme mariée est fonction de la stabilité et la bonne santé de sa famille. Il faut donc trouver l’équilibre, malgré le prix.
3. Entre les rouages domestiques et conjugaux
Toutes les institutions publiques et privées ont adopté un modèle de fonctionnement dit « prestation à service minimum » qui consistait en une stricte prestation dans les bureaux avec un nombre réduit d’agents. La présence du mari à la maison et cela à temps plein réclamait aussi une attention particulière.
Ici, les hommes accordent peu d’importance au métier de la femme ou carrément l’ignorent. C’est ainsi dans les faits, il faut l’assumer même si c’est injuste. Ces hommes peuvent être scientifiques ou pas mais pour eux, ce travail de la femme peut attendre. Ça ne les concerne pas, même lorsqu’ils se disent féministes, plusieurs hommes voulais voir leurs épouses près deux, à leurs petits soin et y trouvait satisfaction à temps et à contre temps. Pour ces épouses, il fallait développer de mécanisme de sortie pour n’est pas pénalisé leur métier.
Pour la femme, cette situation représente un grand défi vis-à-vis d’elles-mêmes et de son travail de recherche. Cette conception constitue pour la femme, non seulement un grand stress mais aussi un blocage pour l’avancement de sa carrière. Pour cette dernière, il n’existe aucun soutien moral ni encouragement. Seuls les résultats de son travail réalisé peuvent permettre de relever le défi lui lancé : montrer qu’on peut tout faire et être comme les hommes. Elle doit être forte cette femme et porter à l’esprit un slogan : « Mukazi nsimbira » (« Femme, tient bon »).
Des visites improvisées en situation de confinement total: une autre contrainte
En situation des visites imprévues des membres de la famille ou des amis, étaient parfois au rendez-vous. On s’est souvent retrouvé avec des visiteurs sans l’avoir voulu ou prévu. Mais la fameuse solidarité africaine obligeant, on était contraint de les approcher et prendre un peu de temps avec eux bien qu’on ne comprît pas souvent la raison de la visite. Beaucoup de gens ont profité du confinement pour organiser des visites comme ils ne pouvaient pas toujours rencontrer la femme chercheuse avant le confinement : elle était toujours absente, soit au bureau ou soit sur le terrain.
La femme chercheuse connait la valeur du temps qui passe et les visites imprévues deviennent alors une sérieuse contrainte. La femme chercheuse sait que les heures qu’elle accorde, sans le vouloir, aux visites imprévues se paie cher : soit par un travail de nuit et sans pause ; soit par une privation de sommeil car la tête de la femme chercheuse n’avait pas été confinée.
4. L’alarme professionnelle du chercheur
La « date line », ce mot pour une chercheuse a toujours été stressant, à plus forte raison pendant la période de confinement. Au-delà des précédentes tâches domestiques qui sont incontournables. Le mot date line a toujours émis des sons curieux dans la tête, une sorte de réveil programmé au moment où on essaie de s’enfoncer dans le sommeil : « aujourd’hui ou jamais ».
Tout bon chercheur a une unité de mesure dans sa tête qui lui permet de savoir pour un quelconque travail, quel temps maximal accorder et à quelle vitesse il faudrait s’y prendre. Mais il arrive que des contraintes s’imposent et qu’on se retrouve à travailler sous stress, pour vu que l’on respecte la date line. Cette situation était vécue plusieurs fois en confinement par la chercheuse qu’un ouf de soulagement était exprimé par cette dernière à chaque fois qu’elle atteignait ses objectifs prédéfinis malgré les obstacles.
Par ailleurs, la période de confinement est arrivée avec une opportunité : celle de faire son travail sans devoir se déplacer pour se rendre au bureau ou sur le terrain. Dans ces cas-là, une date line se gérait beaucoup mieux. Mais comme on l’a vu, il y avait d’autres difficultés et, pour les contourner, la seule possibilité était de garder son sang-froid, de naviguer entre toutes ces préoccupations et exigences avec sérénité. Après tout, la bonne qualité du travail accompli, sanctionné par des résultats jugés excellents, soulagent toutes les peines rencontrées. Provisoirement en tout cas.